Oraison funèbre: Ngũgĩ wa Thiong’o. Écrivain kényan,(1938-2025) icône de la littérature africaine.

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Ngũgĩ wa Thiong’o (1938–2025)  Écrivain kényan, icône de la littérature africaine

Écrivain de la pensée décoloniale, défenseur des langues africaines

In 2019, Ngũgĩ wa Thiong’o a reçu le Prix de la Paix  Erich Maria Remarque à Osnabrück-Allemagne courtoisie, ville d’Osnabrück. Foto: Daniel Anderson

Dédicace personnelle

À la mémoire d’un homme dont la vie fut un acte de résistance,
et dont la plume a redonné souffle à l’âme des langues africaines.
Que cette oraison en français, anglaise, allemand  et Kikuyu traverse les frontières,
comme ses mots ont traversé les silences imposés.

Hommage à partisan des langues africaines

Né James Githuka Ngugi le 5 janvier 1938 à Kamiriithu, au Kenya, Ngũgĩ wa Thiong’o s’est éteint le 28 mai 2025 à Buford, en Géorgie (États-Unis).
C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris son décès, annoncé par sa fille en ces mots :
« Il a mené une vie bien remplie et s’est battu avec courage. »

Ngũgĩ wa Thiong’o a été scolarisé dans une école missionnaire où l’enseignement se faisait en kikuyu. Mais en 1952, avec la déclaration de l’état d’urgence, l’anglais est devenu la langue dominante et l’usage du kikuyu a été interdit. Les élèves étaient même frappés à coups de canne s’ils utilisaient leur langue maternelle à l’école. Cette pratique était courante dans tous les pays d’Afrique sous domination coloniale. Dans les pays francophones, cette pratique était appelée « le symbole » ou «les quatre gaillards ».  Le “symbole » était une punition humiliante sous forme d’objet que l’élève portait autour de son cou, forçant ainsi les enfants à parler français. L’élève qui détenait le symbole à la fin de la journée parce qu’il avait parlé dans sa langue maternelle était battu, soit par le maître, soit par les quatre élèves les plus forts de l’école.

L’auteur rappelle cette pratique dans son ouvrage “Décoloniser l’esprit, il écrit 

« L’anglais devient plus qu’une langue : l’anglais devient LA lANGUE, devant laquelle toutes les autres doivent s’incliner révérencieusement .“

Une vie marquée par la lutte

Le soulèvement des Mau Mau contre le pouvoir colonial britannique (1952–1960) a marqué profondément sa vie. Sa famille a été envoyée dans un camp de détention pendant qu’il étudiait en internat. Son frère Gigoto a été tué d’une balle dans le dos pour avoir désobéi à un ordre — il était sourd et ne l’avait pas entendu. Sa mère a été torturée et leur maison rasée.

En 1959, alors que les Britanniques réprimaient toujours le mouvement indépendantiste, Ngũgĩ s’installe en Ouganda pour étudier à la prestigieuse université Makerere de Kampala. Il y publie en 1962, sa première pièce de théâtre: The Black Hermit.

Un géant de la littérature: Une œuvre fondatrice

Son premier roman, Weep Not, Child (Enfant, ne pleure pas), publié en 1964, est également le premier roman en anglais écrit par un auteur de l’Afrique de l’Est. La trame du récit se situe à l’époque de la révolte des Mau Ma et  est racontée du point de vue d’un adolescent gikuyu de 14 ans, Njoroge, originaire de Limburu. Il relate l’histoire confrontée à l’oppression coloniale. Ce roman à clé, récompensé au Festival mondial des arts N—- de Dakar en 1966, explore la quête d’identité des jeunes Africains dans un contexte de colonisation et d’urbanisation. Le roman  est aujourd’hui reconnu comme un chef-d’œuvre.

Ngũgĩ dénonce les injustices sociales et les traumatismes causés par le colonialisme sur les populations kényanes. Il s’interroge notamment sur le rôle de la langue dans la construction identitaire.  Selon l’auteur, utiliser une langue européenne revient à renoncer à son identité au profit d’un modèle éducatif étranger. Une éducation dans laquelle sa propre identité s’exprime à travers une langue européenne ne devrait pas avoir sa place dans un État souverain. Cette réflexion constitue le socle de sa pensée littéraire.

A côté du lauréat, le professeur Ngũgĩ wa Thiong’o, à gauche, le président de l’université de Bayreuth, le Professeur Dr. Stefan Leible, et, à droite, l’ancien président de la Bayreuth International Graduate School of African Studies (BIGSAS), le professeur Dr. Dymitr Ibriszimow. Courtoisie Université Bayreuth. Photo: Peter Kolb

Son second roman, The River Between (La Rivière de vie), raconte l’histoire de la séparation de deux villages voisins, causée par des différences de croyances religieuses, au début du XXe siècle. Le romancier  explore les conflits culturels  à l’origine d’une haine féroce entre les adultes des deux villages. La rivière Honia qui les sépare, devient alors le symbole de la frontière entre traditions ancestrales et valeurs imposées par la colonisation.  Le conflit éclate autour du rituel de la mutilation génitale féminine,  une tradition obsolète qui perdure de nos  jours au Kenya.

Son dernier roman en anglais pendant longtems, Petals of Blood (Pétales de sang), est une fresque critique du Kenya postcolonial: corruption, désillusion, exploitation des pauvres, conflit entre modernité et tradition.

Dans A Grain of Wheat (Et le blé jaillira, 1967,) Ngugi évoque les espoirs et les trahisons qui ont accompagné l’indépendance du Kenya. L’action se déroule à la veille de l’Uhuru Day — jour de la libération — et aborde les thèmes de la mémoire collective, de l’unité nationale et du prix à payer pour la liberté. Ngũgĩ dénonce la trahison des idéaux de l’indépendance. Le romancier montre à quel point les objectifs de l’indépendance ont “été dévoyés” de la véritable cause des militants.

Ngũgĩ wa Thiong’o Université de Bayreuth 5 Mai 2014.Docteur honoris causa. Courtoisie Université Bayreuth. Photo: Peter Kolb

En 2022, A Grain of Wheat fut sélectionné dans la liste « Big Jubilee Read », regroupant 70 œuvres du Commonwealth choisies pour le jubilé de platine de la Reine Elizabeth II.

En 1972, le magazine britannique The Times écrivait:
«À 33 ans, Ngũgĩ est reconnu comme l’un des écrivains contemporains les plus remarquables d’Afrique. »

Un tournant décisif: la langue comme outil de résistance

1977 est une année charnière. Ngugi abandonne son prénom chrétien James pour devenir Ngũgĩ wa Thiong’o («fils de Thiong’o») et annonce qu’il n’écrira plus qu’en gikuyu(kikuyu). Il part du principe “qu’ Il est très important d’insuffler la fierté de sa langue“. IL co-écrit avec Ngugi wa Mirii la pièce:

 Ngaahika Ndeenda (Je me marierai quand je le voudrai), jouée à Kamiriithu, son village natal. La pièce raconte l’histoire d’une modeste famille kényane qui luttentt contre l’accaparement de ses terres par de riches compatriotes,L’auteur  dénonce l’injustice sociale et la domination néocoloniale ce qui provoque le courroux du gouvernement kenyan. Il est arrêté et incarcéré pendant un an sans procès à la prison de  haute sécurité de Kamiti. En 2024, après 45 ans de censure, la pièce est jouée à nouveau à Nairobi.

En prison, Ngũgĩ écrit sur du papier hygiénique Caitaani mũtharaba-ini (Le Diable en croix), premier roman kényan écrit en langue africaine. Il  raconte, sous forme de parabole, un concours du “meilleur escroc” organisé par le capitalisme. Le livre est interdit au Kenya mais connaît un grand succès.

Prof. Ngũgĩ wa Thiong’o lors de son allocution pour la remise du titre honorique docteur honoris causa

Son journal de prison, Detained: A Writer’s Prison Diary, témoigne de son engagement politique et de sa résistance littéraire

Matigari (1987,) ce roman allégorique devint si subversif que les autorités ont cru que le héros fictif était réel. Le gouvernement a donc envoyé des agents à la recherche du personage… fictif. L’histoire, qui trouvait son origine dans le domaine de la fiction a été considérée comme réelle par les autorités kenyanes. La police secrète du pays a transformé le personnage littéraire en véritable chef de coup d’État et l’a ressuscité en tant que terroriste présumé qui voulait renverser le gouvernement. Mais la seule patrie de Matigari est le fruit de l’imagination de l’auteur, et il partage désormais le même sort que celui-ci qui a été contraint à l’exil. Le livre est interdit mais il a été également un succès et vendu à plus de 15 000 exemplaires en gikuyu.

Les aléas de l’exil ont conduit Ngugi à réécrire en anglais. C’est ainsi que vingt ans plus tard, il publie son roman  Wizard of the Crow ( 2006) « Le Sorcier des corbeaux » est le roman africain du XXIe siècle. Il s’agit d’ une satire très amusante du prototype du despote africain. À Aburiria, il est prévu de construire le «Marching to Heaven», un édifice gigantesque qui reliera le ciel et la terre. Le souverain d’Aburiria souhaite ainsi s’ériger un monument monumental. Ses ministres Machokali et Sikiokuu, en particulier, veulent profiter de cette gloire et se montrent donc d’autant plus dévoués. Lorsque le souverain se rend aux États-Unis pour emprunter de l’argent à la Global Bank afin de financer la construction, il est surpris par une mystérieuse maladie : il se gonfle comme un ballon et reste depuis suspendu au plafond de sa chambre. Aucun médecin ne peut l’aider, seul le «Seigneur des corbeaux », qui dispose de pouvoirs magiques et qui est devenu célèbre en tant que guérisseur et devin, peut le guérir

Rêver en temps de guerre. Mémoire d’enfance  (Times of war)

Ce livre rapporte les souvenirs d’enfance de l’auteur. Ce volume de mémoires constitue le premier d’une série en trois tomes .( In the House of the Interpreter Memoir 2007; et Birth of a Dream Weaver.) Ngugi wa Thiong’o est né cinquième enfant de la troisième épouse de son père, au sein d’une famille comptant vingt-quatre enfants nés de quatre mères différentes. À travers l’histoire de ses grands-parents et de ses parents, ainsi que la participattion de ses frères dans le violent soulèvement Mau Mau, Ngugi dépeint avec brio et d’une écriture somptueuse une époque tumultueuse, en insérant la beauté des paysages, des gens et de leur culture, ainsi que les injustices sociales  de la vie sous le joug du colonialisme et de la guerre.

In 2019, Ngũgĩ wa Thiong’o a reçu le Prix de la Paix  Erich Maria Remarque à Osnabrück,  Allemagne  Courtoisie, ville d’Osnabrück. Foto: Daniel Anderson

The Trial of Dedan Kimathi(2013).
Le procès de Dedan Kimathi (2023) Wa Thiong’o Ngũgĩ et Micere Gitae Mugo

Dedan Kimathi,  héros de la lutte pour l’Indépendance et figure emblématique  de la révolte Mau Mau.  Dedan Kimathi est exécuté à l’âge de trente-six ans. Ce sont les circonstances de son arrestation, le déroulement de son procès et les conséquences de son décès que les deux auteurs décrivent.

Pour une Afrique Libre 2017

Ce livre réunit des essais écrits durant ces dernières années, traitant de thèmes chers à l’auteur  , le rapport à  la langue ; les défis de la mondialisation , le pillage des ressources naturelles. L’Afrique pourra se relever quand les dirigeants écouteront les peuples et leurs aspirations, respecteront les cultures afin d’obtenir leur confiance

The Nine Perfect. the Epic of Gĩkũyũ and Mũmbi(2020)

Les Neuf Parfaites – L’épopée de Gĩkũyũ et Mũmbi, 2023 Présence Africaine

Gikuyu et Mumbi, premier couple d’êtres humains déposés par Dieu au pied du Mont Kenya, voient arriver sur leur terre, quatre-vingt-dix-neuf jeunes gens désireux d’épouser leurs filles, Les Neuf Parfaites. Dans cette épopée, mythologique et allégorique, l’auteur relate  le mythe de l’histoire de la fondation du peuple Gikuyu du Kenya. Une œuvre e consacrée à la beauté, au courage et à l’unité . Le roman a eté saluée par la critique littéraire , mais aussi par Barack Obama, lui-même de père Kenyan.

Une lutte pour les langues africaines

Ngũgĩ fut l’un des plus fervents défenseurs de l’écriture en langues africaines. Déjà à la conférence des écrivains africains de langue anglaise à Kampala, en 1962, il interpellait ses pairs en ces termes :

Comment pouvons nous,  nous autres écrivains Africains, défendre avec tant de ferveur des langues étrangères  et faire preuve d’une telle faiblesse dans la défense de nos propres langues  et  d’une telle avidité dans la revendication des langues étrangères, à commencer par celles de nos colonisateurs?”

Son essai majeur Decolonising the Mind:The Politics of Language in African Literature, (Décoloniser l’esprit ) publié en 1986, est un condensé d’autobiographie, de théorie post-coloniale, de pédagogie, d’histoire africaine et de critique littéraire. L’auteur pose le débat de l’utilisation d’une langue européenne par les écrivains Africains.

Ngugi prône le développement global des langues africaines et leur utilisation dans les littératures africaines. Son noble combat symbolise également une revendication actuelle: la valorisation des langues maternelles africaines dans le domaine de la littérature afin qu’elle soit accessible à tous. Libérer de la langue du colonisateur pourrait contribuer à une véritable décolonisation de l’esprit et à l’émergence d’une identité culturelle renouvelée. Cet ouvrage demeure une  œuvre de référence. Ngugi dédie son livre:

« Á tous ceux qui écrivent dans les langues africaines et à tous ceux qui, au fil des ans, ont maintenu la dignité de la littérature, de la culture, de la philosophie et des autres trésors véhiculés par les langues africaines.

Ngũgĩ met en lumière les politiques linguistiques postcoloniales qui tendent à une hiérachisation des langues. Les langues européennes (le  français, l’anglais, le portugais) sont dans la plupart des pays africains, des langues officielles, langues d’Etat,  inscrites dans la Constitution comme au Sénégal où elles sont associées au savoir et au prestige, tandis que les langues africaines sont reléguées au domaine privé. Cette hiérarchisation des langues renforce l’aliénation culturelle.

  C’est pourquoi,  il déclare:  «Ce livre est mon adieu à l’anglais.»

Décoloniser l’esprit

Ngũgĩ défend la reconnaissance des langues africaines comme outils d’émancipation. Pour lui, maîtriser sa langue maternelle est un acte de liberté:

«Si tu parles toutes les langues du monde mais pas ta langue maternelle, tu es un esclave. Mais si tu maîtrises ta langue maternelle et que tu apprends toutes les langues du monde, tu es un homme libre. »

L’exil et l’œuvre universitaire

Persécuté pour ses écrits, Ngũgĩ quitte le Kenya en 1982. Il vit d’abord au Royaume-Uni, puis aux États-Unis, où il enseigne à l’université de  Yale, de New York   où il occupe la chaire Erich Maria Remarque en littérature comparée et enfin à l ‘université de Californie à Irvine, où il est professeur émérite.

En 2004, après 22 ans d’exil, il retourne au Kenya. Une foule enthousiaste l’accueille, d’autant plus que la parution de son roman Mûrogi wa Kagogo /Wizard of the Crow/ coïncide avec son retour.. Mais le lendemain de son arrivée, il est violemment agressé à son hôtel. Son épouse est violée sous ses yeux et lui-même est attaquée à coups de couteaux par ses ravisseurs, alors qu’il tentait de la défendre.  Complot politique ou acte criminel, reflet de l’insécurité dans les grandes villes? Nul ne sait.

Perpétuel candidat pour le Prix Nobel de Littérature

Toujours pressenti pour le prix Nobel de littérature — et nominé plusieurs fois, notamment en 2021 —, Ngũgĩ ne l’aura jamais reçu. Pourtant, son œuvre est traduite dans plus de 30 langues et saluée dans le monde entier.

Une reconnaissance mondiale

Il  a reçu de nombreuses distinctions, dont le titre de docteur honoris causa décerné par une quinzaine d’universités, dont l’universitée de Bayreuth, Allemagne en 2014:

«pour ses services exceptionnels rendus à la promotion de la littérature africaine, en particulier celle écrite dans les langues africaines. »

Le discours par lequel le Professeur Ngũgĩ wa Thiong’o a accepté le titre de docteur honoris causa était un plaidoyer passionné qui a profondément impressionné le public.Ngugi  s’est exprimé  en faveur  de la diversité des langues et des cultures. Il s’est donc fermement opposé à la:

 “domination absolue des langues européennes dans la vie économique, politique et culturelle de l’Afrique ».

A côté du lauréat, le professeur Ngũgĩ wa Thiong’o,  à gauche, le président de l’université de Bayreuth, le professeur Stefan Leible, et, à droite, l’ancien président de la Bayreuth International Graduate School of African Studies (BIGSAS), le professeur Dymitr Ibriszimow. Photo Peter Kolb

L’université de Bayreuth a été la première université allemande à décerner un doctorat honorifique: docteur honoris causa  à cet écrivain  de renommée internationale. De plus, pour la première fois, un doctorat honorifique n’a pas été décerné par une seule faculté, mais par l’Institut Supérieur d’Études Africaines, qui est ancrée dans tous les départements soit toutes les facultés. L’ensemble de l’université de Bayreuth et les universités africaines partenaires ont exprimé leur respect, leur joie et leurs félicitations.

En 2019, Ngũgĩ  est lauréat du Prix de la Paix Erich Maria Remarque à Osnabrück:

La ville d’Osnabrück décerne le prix Erich Remarque pour la Paix à l’écrivain et spécialiste de la culture kenyanne pour son combat en faveur des langues africaines,  son opposition au colonialisme à travers ses thèmes éclairants, son respect des traditions narratives africaines, ses références au théâtre traditionnel africain et à l’art narratif, ainsi que  son plaidoyer en faveur de la préservation de la langue maternelle comme source d’identité.»

Décoloniser l’esprit. Ce livre est à l’origine du prix décerné aujourd’hui. Dans son allocution  de remerciements, Ngugi   a déclaré:

« J’ai été particulièrement touché d’apprendre que ce prix récompensait mon engagement en faveur de l’égalité des langues.»

Une voix immortelle

J’ai eu l’honneur de côtoyer Ngũgĩ wa Thiong’o à l’université de Bayreuth, où il fut professeur honoraire. J’y enseignais à cette époque et nous avons eu des entretiens fenrichissants.
C’est l’un des plus grands théoriciens  du postcolonialisme.

Je garde le souvenir ému de ses interventions dans ma ville,  Erlangen en  Allemagne, lors des rencontres littéraires INTERLIT, un événement culturel de grande qualité qui, hélas, a aujourd’hui disparu du calendrier de la ville. Je me souviens d’un de ses  discours qu’il a prononcé fièrement en gikuyu (kikuyu) ; les interprètes ont dû attendre la traduction en anglais avant de le traduire en allemand. Ce fut une véritable leçon de dignité linguistique!

Ngũgĩ wa Thiong’o laisse une œuvre considérable: romans, pièces de théâtre, essais, nouvelles, littérature jeunesse. Il se considérait lui-même comme un écrivain anticolonialiste, profondément enraciné dans la langue et la culture de son peuple. Son œuvre  monumentale restera un pilier de la littérature mondiale.

ll était à la fois rigoureux et profondément humain. Sa voix résonnera à travers les générations.

Son humanisme, sa clarté d’analyse et sa force de conviction continueront d’éclairer les consciences. Il incarnait une voix forte de la  littérature.

Ngugi et sa maladie

En 1995, on lui a diagnostiqué un cancer de la prostate, contre lequel il a pu lutter,  malgré un pronostic médical sombre qui ne lui donnait que trois mois à vivre. En décembre 2019, il a subi un triple pontage coronarien. À peu près à la même période, il a commencé à souffrir d’insuffisance rénale, la même maladie qui a coûté la vie à l’un de ses frères .Depuis, il suivait un traitement par dialyse.

Ngũgĩ wa Thiong’o a rejoint ses ancêtres.
Puisse-t-il, assis à la droite de son Créateur, voir éclore les bourgeons des  œuvres écrites en langues africaines  et être  témoin de l’épanouissement d’une  littérature en langues maternelles!

Repose en paix, cher Maître des langues africaines.

                                                                                                                                              Dr. Pierrette Herzberger-Fofana

Les oeuvres de Ngugi wa Thiong’o

 Weep Not Child   (Heinemann 1964.Son premier roman (Enfant, ne pleure pas. Paris: Hatier  1965 . Abschied von der Nacht. Berlin: Volk und Welt 1969)

The River between” 1965 (La Rivière de vie   Paris: Présence africaine, 1988. Der Fluß dazwischen. München. Weismann Frauenbuchverlag 1984)

A Grain of Wheat (1967) (Et le blé jaillira.Paris: Hatier)Freiheit mit gesenktem Kopf. Berlin: Ullstein1979)

Petals of Blood  (. London.Heinemann 1977.) Pétales de sang Verbrannte Blüte Wuppertal: Peter Hammer 1982)

Devil on the Cross (original  Caitaani mũtharaba-Inĩ)  écrit et traduit  en 1980 par l’auteur

(Le diable sur la croix)

Secret Lives, and Other Stories, 1975 (.Verborgene Schicksale)

Detained. A Writer’s Prison Diary, 1981Gefängnistagebuch eines Schrifstellers.München_ Trckster 2989

Wizard of the Crow ( 2006) (original en kiguyu  Mũrogi wa Kagogo)

Decolonising the Mind. The Politics of Language in African Literature. London 1986, S. 32.

  Décoloniser l’esprit » Essai 1986

Ngaahika ndeenda. Ithaako ria ngerekano ».Pièce de  théâtre en gikuyu (Je me mariera quand je  le voudrai)

Dreams in a Time of war (Temps de rêver. Mémoire d’enfance) 2011

In the House of the Interpreter Memoir 2012.

 Birth of a Dream Weaver.Memoir 2016

Wizard of the Crow  –2005 original Mûrogi wa Kagogo* (Le sorcier du corbeau),

Pour une Afrique Libre 2017.Essai

The Trial of Dedan Kimathi(2013) avec Micere Gitae Mugo .
Le procès de Dedan Kimathi (2023.Présence Africaine

SYMBOLIC VERSION IN GIGUYU

With great respect for the language and thinking of Ngũgĩ wa Thiong’o. a symbolic version in his mother tongue: Kikuyu .

 Avec grand respect pour la langue et la pensée de Ngũgĩ wa Thiong’o.

Ngũgĩ wa Thiong’o (1938–2025) – Mũrathime wa wendo na wĩtĩkio

  • 1. Gũtirĩ na kĩrĩra kũringana nĩ rũhĩu rwa Ngũgĩ
  • Ngũgĩ wa Thiong’o ni mũrata wa wendo, wa kũhũthia na wa wendo wa wĩtĩkio.
    Nĩwe mũndũ wakwa wakũgũĩra kũgũĩra Gĩkũyũ na watho wa mũgambo wa Athamaki.
    Twakĩrĩa kũgĩa:
  • “Nĩguo wathii, no rũhuĩ rwa mũno nĩ rwamũthiĩte.”
    (Il est parti, mais son feu sacré reste vivant.)
  • Akahemeire kũhoya, agĩkaaga, “ndî kũgĩa Gĩkũyũ, nĩ gwĩtĩkĩra nĩ mũthenya wa wendo.”
  •  
  • 2. Rũgano rwa ũhoro na ndũrĩrĩ ya wĩtĩkio
  • Ngũgĩ arĩ mũndũ ũrĩa wakanithĩtie atĩ:
  •  
  • “Wĩ mũndũ wa wĩtĩkio ũkaheana kĩrĩra na wĩtĩkio wa wĩra wa Gĩkũyũ, no ũkagĩa thukuru na rũgano rwa mũthigari wa ũhoro.”
  • Na agĩgũĩra:
  • “Ũtigĩ kũmenya rũrĩrĩ rwaku nĩ kũrĩa ũrĩa mũcibi aigua na nyũmba yake.”
    (Ne pas connaître sa langue, c’est vivre dans la maison de quelqu’un d’autre.)
  •  
  • 3. Tũkũmenya Ngũgĩ ũrĩa mũno – na tũgũcokia wendo wake
  • Ngũgĩ wa Thiong’o nĩwe mũthabibũ wa gĩthomo kĩa ũhoro wa Gĩkũyũ, wa Africa, na wa mũoyo wa wĩtĩkio.
    Arĩ mũrĩithi wa ũtonga wa wĩra na gũtirĩ wĩra wa gũcokia wĩtĩkio mũno.
  • Tũmuigua kũrĩa irathime:
  • “Nĩkamũigua hamwe na andũ ake, tũcokia rũgano rwa Gĩkũyũ.”
    (Qu’il veille sur nous, et que nous poursuivions l’histoire de notre langue.)

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